Pascal Vey est cadre au service sinistres de la compagnie d’assurances MMA. Aujourd’hui, il parcourt la France entière, de courtier en courtier, mais il y a peu, il encadrait une équipe. Très sensible aux problèmes de maitrise de la langue française dans son métier, il a accepté de s’exprimer à ce sujet sur ce blog et je l’en remercie.
Pascal Vey, faut-il être bon en orthographe pour travailler dans les assurances ?
« Bien sûr. Et combien ! Nous rédigeons chaque jour des synthèses d’événements, échangeons des courriers avec des avocats… Une virgule mal placée, un accord grammatical mal fait, la confusion entre un futur et un conditionnel peuvent conduire à dire autre chose, voire l’inverse de ce qu’on désirait. Et dans nos métiers, les conséquences peuvent être relativement graves. Je sais de quoi, je parle. Nous avons eu un cas, il y a quelques années. Aujourd’hui, on laisse croire aux jeunes, pendant leur scolarité, et parfois bien au-delà du bac, qu’ils peuvent avoir de la valeur sans maîtriser l’orthographe et la langue en général. Ils peuvent tout à fait obtenir 17 ou 18/20 à une copie très mal rédigée qui ne vaudrait pas plus de 13. Ils vivent donc dans l’illusion et subissent de graves déconvenues face à un recruteur ou une fois en poste.»
Vous semblez parler en connaissance de cause ?
« J’ai plusieurs fois rencontré des jeunes, détenteurs d’un BTS, parfois même d’une licence en assurance, qui écrivent comme ils parlent. À l’ère du SMS, je crois qu’ils n’ont pas conscience de l’importance de la qualité de l’expression écrite. Ces lacunes sont difficiles à combler. Il est cependant indispensable d’y parvenir. Il faut le dire et le redire, dans les entreprises, l’écrit est important.»
Vous-même y attachez beaucoup d’importance ?
« Un bon nombre des fautes d’orthographe ou de syntaxe pourraient être évitées seulement en prenant le soin de se relire. Donc, pour moi, un message mal écrit est une preuve de négligence, de travail bâclé. On ne peut pas dire que ce soit ce que l’on attend d’un collaborateur. IL s’agit donc, pour moi, d’un élément préjudiciable dans des postes administratifs et qui plus est pour des managers. Reste qu’il faut pouvoir le dire, l’entendre et y remédier. »
Est-ce un sujet facile à aborder ?
« Non. C’est vrai que c’est encore un sujet tabou. Il y a quelques années, j’avais décelé chez l’une de mes collaboratrices, d’origine étrangère, un bon potentiel d’évolution. Cependant, elle avait un point faible : sa maitrise du français. J’ai beaucoup hésité avant de lui en parler, mais je l’ai fait, jugeant qu’elle pourrait entendre ce que j’avais à lui dire. Et j’ai eu raison. »
Voulez-vous dire que vous n’auriez peut-être pas pu en parler avec une autre personne ?
« Tout à fait. J’ai choisi de lui en parler lors de l’entretien annuel, en face-à-face. Il ne faudrait surtout pas le faire devant d’autres personnes. En choisissant mes mots et parce que je croyais en elle et en ses capacités d’évolution sur lesquelles je me suis appuyé pour rester positif, j’ai pu évoquer ce point faible et le frein qu’il représentait pour son évolution. Mais attention, seulement à l’oral. Je ne l’ai pas écrit dans le bilan de l’entretien. »
Vous dites que vous avez eu raison de lui en parler. Comment a-t-elle reçu votre message ?
« Elle m’a remercié pour ma franchise et m’a dit avoir déjà plus ou moins conscience que ce problème de non-maitrise de la langue constituait une difficulté. Elle m’a alors demandé comment elle pourrait s’améliorer. Je l’ai invité à lire, à s’instruire par elle-même, car, à cette époque-là, il ne lui était pas possible de prendre des cours. C’est ce qu’elle a fait. »
Vous avez pu en parler. Que se passe-t-il lorsque le sujet ne peut être abordé ?
« Les managers relisent les documents et les courriers qui partent vers l’extérieur. Chez nous, cela concerne tout ce qui est adressé aux avocats, aux parties adverses. C’est non seulement une perte de temps mais aussi un risque… Imaginez qu’un courrier parte sans être relu !! »
Votre entreprise propose-t-elle des formations pour remédier à ces difficultés ?
« Pas dans le cadre du plan de formation, cela ne fait pas partie des priorités. En revanche, ces formations pourraient faire l’objet d’un DIF (Droit Individuel à la Formation). Mais il faut que ce soit une démarche volontaire du salarié. On ne peut rien imposer et les freins sont nombreux : avec le DIF, tout ou partie de la formation est réalisée hors du temps de travail, les gens ont peur d’être « renvoyés sur les bancs de l’école », etc. »
Merci à Pascal Vey de nous avoir fait partager son expérience positive, celle d’un cadre qui ose, avec délicatesse et sans doute empathie, affronter le tabou des difficultés d’expression écrite. Je reste persuadée que, dans la plupart des cas, les personnes concernées n’attendent qu’une occasion pour faire face à ce problème. Aux managers, aux responsables de formation d’apprendre à aborder le sujet… même si je reconnais que cela n’est pas chose facile.
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